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UN BON PLAN DE GESTION POUR ERADIQUER LA SALMONELLE ET LA LISTERIA

Compte-rendu de table ronde

Avant les Quality Days 2016, nous avons réuni une dizaine d'acteurs issus du monde de l'entreprise et de la recherche pour discuter de la problématique et de l'approche de la salmonelle et de la listeria. Il s'agit entre autres de scientifiques, de spécialistes en sécurité alimentaire et de responsables de qualité actifs dans des abattoirs de poulets et de porcs. Les principales idées ont été réunies dans une présentation et ont ainsi fait partie du programme de séminaires de l'événement. En tant que partenaire média, nous allons vous en faire un compte-rendu détaillé.


Tout d'abord: qu'est-ce que la salmonelle et la listeria et pourquoi devons-nous en avoir peur?

Geertrui Rasschaert: “Ce sont toutes les deux des bactéries très fréquentes qui peuvent provoquer des zoonoses, des maladies contagieuses capables de se transmettre de l'animal à l'homme. Ces bactéries peuvent arriver dans l'abattoir avec l'animal mais elles peuvent tout aussi bien persister dans l'environnement de production, d'où elles sont très difficiles à éliminer. De plus, l'animal ou l'homme peut en être le porteur sans que cela se voie de l'extérieur. Cela rend la problématique encore plus difficile."

Quel est le plus gros problème: la contamination au niveau de l'élevage ou de l'abattoir?

Ann Verbeke: “Grâce au contrôle ante mortem, on peut supposer qu'il n'y a pasde porcs ou de poulets contaminés dans l'abattoir. Mais selon le principe de prudence, il faut quand même partir du principe que l'arrivage de bêtes contaminées et toujours possible. En effet, les pathogènes peuvent être présents chez l'animal ou chez l'homme de manière latente sans provoquer de maladie. Lorsque l'abattage est effectué de manière moins hygiénique, il peut y avoir une contamination des installations d'abattage, qui se transmet ensuite aux carcasses."


Stefan Theuwis: “Lorsqu'on est confronté à de gros problèmes, il y a toujours une contamination initiale de l'installation. La question est de savoir comment cette contamination peut être évitée ou éliminée au moyen d'une routine. Dès que la contamination est largement répandue, il est clair que les mesures de gestion normales n'ont pas été efficaces."


Quelles sont ces mesures de gestion pour les entreprises d'abattage ou de découpe?

Stefan Theuwis: “Un abattoir doit faire attention aux animaux vivants qu'il accueille mais il doit aussi regarder comment on fait pour commercialiser des produits alimentaires sûrs. Une grande responsabilité incombe donc aux opérateurs, qui doivent travailler en veillant à la sécurité alimentaire et à l'hygiène du processus mais aussi prendre des mesures afin d'exclure les contaminations au maximum. Hélas, c'est souvent là que le bât blesse. Certains cas ont révélé la présence de salmonelle sur des machines d'éviscération, dans des bains d'échaudage ou dans d'autres installations difficiles à nettoyer. Il arrive souvent que l'infection se niche là et y reste. En général, les opérateurs ignorent comment gérer ce genre de problème si bien qu'ils n'arrivent pas à éradiquer l'infection. Souvent, ils se contentent d'augmenter la fréquence des nettoyages/décontaminations et d'effectuer des prises d'échantillon supplémentaires, qui sont imposées par la loi. Mais c'est généralement insuffisant."


Quelle est la 'best practice' pour éradiquer ou éviter une infection?

Karin Blacow: “Il s'agit toujours d'une combinaison de facteurs, ce qui complique la recherche de la source de contamination. Mais l'action humaine est une grande cause de contaminations croisées et une bonne hygiène des mains peut déjà éviter bien des problèmes. Ces pratiques doivent être ancrées dans la culture d'entreprise. Il ne faut pas seulement les imposer aux opérateurs, il faut leur expliquer le pourquoi et le comment afin afin qu'ils soient conscients du problème et qu'ils y pensent eux-mêmes. Cette culture doit partir du haut. Etablissez une équipe multidisciplinaire et veillez à ce que tout le monde soit sur la même longueur d'ondes."

Liselotte De Ridder: “Parfois, c'est justement la direction qui complique les choses parce qu'elle veut faire des économies. Elle opte pour de la main-d'œuvre bon marché, souvent allophone, à laquelle il est difficile de transmettre cette culture et son importance.  En outre, des prises d'échantillon supplémentaires - au-delà du nombre légal - coûtent plus cher si bien qu'il est souvent difficile pour le responsable de qualité de convaincre la direction de l'entreprise. Souvent, il n'y parvient qu'après un rappel de produit car on se rend alors compte que cette opération coûte beaucoup plus cher que des mesures de gestion préventives et ciblées."


Willy De Roover: “Le problème des collaborateurs allophones ne se limite pas à la communication. Souvent ceux-ci sont peu scolarisés et il y beaucoup de rotation dans ce secteur. Il faut donc beaucoup d'énergie et de persévérance de la part du responsable de qualité pour inculquer chaque fois une bonne hygiène des mains. 'Ce sont des étrangers donc on n'y arrive pas'. Cet argument est compréhensible mais il ne peut pas excuser de moins bonnes pratiques d'hygiène."


Karin Blacow: “Il faut aussi se dire que les collaborateurs ne contaminent pas délibérément. Souvent, ils manquent juste de connaissance et s'ils ne comprennent pas le pourquoi du comment, ça ne marchera pas. Pour contrer le problème de la rotation, il faut un plan de formation continu."


Elien Claeys: “Nous donnons plusieurs formations d'hygiène par an dans nos abattoirs de porcs. Cela signifie qu'il y a parfois des ouvriers actifs depuis un mois alors qu'ils n'ont encore reçu aucune formation. C'est pourquoi nous examinons si nous pouvons passer à des formations mensuelles. Nous évaluons l'hygiène des mains chaque mois avec des kits UV qui font apparaître ces infections. Je prends aussi toutes les erreurs en photo et ceux qui en commettent sont obligés de suivre à nouveau la formation."


Ann Verbeke: “En effet, la visualisation aide à transmettre ce message le plus simplement possible. Un jour, j'ai mis de la peinture bleue sur les mains des travailleurs afin qu'ils puissent voir à quelle vitesse celle-ci se répand dans l'entreprise."


Karin Blacow: “Exactement! Cela aussi, ça doit faire partie du plan de gestion: pendant au moins un an - afin d'avoir un aperçu pour chaque saison - il faut cartographier tous les flux de marchandises, personnes et moyens de transport dans l'espace de production afin d'avoir un aperçu des objets et des gens qui partent du cru vers les zones de préparation et des moments auxquels cela se produit. Si on combine ces informations avec les analyses de prélèvement, on voit souvent apparaître des tendances, ce qui aide à mettre au jour une contamination. On voit par exemple qu'une contamination n'intervient qu'après quelques heures de production ou lorsque les collaborateurs entrent dans le hall de production depuis le vestiaire. De plus, un design de machine hygiénique et un nettoyage efficace des installations doivent aussi faire partie du plan de gestion, ainsi que la prévention et la lutte contre les nuisibles. Et tout cela ne doit pas se limiter aux abattoirs car, comme le dit Stefan, tout commence par les animaux vivants dans les élevages. Chaque maillon de la chaîne doit assumer sa responsabilité pour obtenir et maintenir l'ensemble de la production sans bactéries."

 


  • Geertrui Rasschaert a fait son doctorat sur la salmonelle persistante dans les abattoirs de volaille. Elle travaille maintenant à l'ILVO, l'institut de recherche pour l'agriculture et la pêche.

  • Geert Hulpia travaille pour CID Lines en Allemagne, où il a éradiqué la salmonelle de nombreux abattoirs, couvoirs et entreprises de volaille au cours de la dernière décennie.

  • Stefan Theuwis est directeur au sein du service DG Controle et travaille à l'AFSCA (Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire). Il possède l'expérience nécessaire en tant que vétérinaire et contrôleur.

  • Willy De Roover a de l'expérience comme vétérinaire et est aujourd'hui consultant indépendant pour plusieurs entreprises alimentaires. Il est surtout actif dans le secteur de la volaille.

  • Liselotte De Ridder a travaillé comme consultante dans le secteur de la qualité et est maintenant responsable du support sales & quality chez CID Lines, fournisseur de produits de nettoyage.

  • Karin Blacow est spécialiste en sécurité alimentaire chez Commercial Food Sanitation, une filiale d'Intralox. Elle est consultante pour la sécurité alimentaire, le nettoyage et la conception hygiénique.

  • Elien Claeys a étudié la chimie-biochimie et travaille maintenant comme responsable qualité chez Debra-Group, une entreprise d'abattage de porcs.

  • Ann Verbeke est responsable scientifique chez Lavetan, un labo spécialisé dans l'industrie alimentaire. Elle encadre les entreprises confrontées à des problèmes microbiologiques.

Tout un abattoir sans salmonelle, est-ce possible?

Geert Hulpia: “Je sais d'expérience que oui. Récemment, j'ai entièrement éradiqué la salmonelle dans deux abattoirs de poulets allemands. Ils accueillent encore des animaux positifs mais nous gérons ces contaminations avec des mesures de gestion internes à l'entreprise. Le plan d'attaque commence par un arrivage sans bactéries, donc au niveau des élevages, puis suit tout le trajet du poulet dans l'abattoir. Pendant six mois, en étroite concertation avec un constructeur industriel, nous avons démonté et remonté des machines avec une équipe de vingt personnes pour prendre des échantillons partout, jusqu'aux souffleurs et aux prises, afin de localiser les points critiques. Tous les collaborateurs de l'abattoir ont été impliqués, ils nous ont même indiqué eux-mêmes les endroits où nous devrions effectuer un contrôle. Maintenant, nous possédons pour ces abattoirs un plan de prise d'échantillon avec dix points critiques si bien que nous pouvons très rapidement effectuer des prélèvements et les analyser en cas d'arrivage positif. En outre, il y a maintenant deux personnes par abattoir qui encadrent les firmes de nettoyage professionnel et les aident à nettoyer les lignes. Ainsi, nous maîtrisons vraiment les infections."


Elien Claeys: “Cette méthode est peut-être possible pour les poulets et les dindes mais pas pour les porcs. En effet, avec eux, il est impossible de n'avoir aucune contamination à l'arrivage si bien qu'il y aura toujours une contamination à l'abattoir."


De plus, il s'agit ici de la situation en Allemagne. Dans quelle mesure leur façon de travailler diffère-t-elle de la nôtre?

Willy De Roover: “En Allemagne, on travaille de manière plus intégrée. Les abattoirs sont intégrés dans un système avec les fournisseurs de fourrage et les éleveurs et ont ainsi une bien plus grande influence sur les résultats d'élevage et d'abattage. En Belgique, on mise moins sur l'intégration si bien que plein de choses passent encore par le marché libre. Ici, l'éleveur choisit le fournisseur de fourrage et l'abattoir avec qui il veut travailler. L'abattoir aussi peut choisir ses éleveurs librement. Cela signifie que son impact sur les résultats d'élevage est beaucoup plus limité, ce qui fait donc une grande différence. Les éleveurs allemands ont une garantie et ils peuvent investir parce que cette sécurité et cette qualité alimentaires élevées cadrent avec leur philosophie d'entreprise. En Belgique, c'est beaucoup moins évident car il faut être compétitif si bien qu'on est obligé de produire avec les coûts les plus bas possible. Ici, il est déjà difficile de convaincre certains éleveurs de travailler selon les mesures de qualité les plus élémentaires imposées dans le cahier des charges Belplume. Ne parlons même pas de les faire envisager un tel investissement!"


On entend beaucoup parler des prises d'échantillon et des coûts de ces opérations. De quels tests s'agit-il exactement et à quelle fréquence doivent-ils être effectués?

Geertrui Rasschaert: “Il y a des tests rapides, que le personnel peut effectuer très simplement. Ils fournissent un résultat rapide mais ne sont pas toujours corrects. Nous préférons les test validés, qui sont plus précis."

Willy De Roover: “Dans le secteur de la volaille, on fait des analyses de la peau du cou. Il s'agit d'un contrôle par échantillonnage dans les abattoirs qui donne des informations mais qui ne dit pas tout. A côté de ça, il y a aussi les surchaussures avec lesquelles on parcourt les poulaillers en faisant des huits lorsque les animaux ont trois semaines. On analyse ainsi les infections dans le fumier qui colle aux semelles."


Elien Claeys: “Pour les porcs, il y avait autrefois le ratio S/P. Lorsque la moyenne était plus élevée que 0,6 pour trois tours consécutifs, on était obligé de prendre des mesures. Mais ce ratio n'est plus appliqué car on a constaté qu'il n'est paslié au statut bactérien réel. Selon le guide d'autocontrôle, on est maintenant obligé d'effectuer des contrôles toutes les deux semaines dans les salles de découpe."


Liselotte De Ridder: “Les contrôles sont une chose mais il faut également agir. Il est inacceptable qu'une entreprise nettoie mieux un certain endroit et on poursuive tout simplement sa production si le prélèvement suivant se révèle négatif. Non, si une infection est trouvée, il faut se demander d'où elle vient précisément. Passez en revue tout le trajet jusqu'à l'entrée dans l'entreprise et agissez de manière préventive."


On a déjà parlé du nettoyage. Le choix des désinfectants est-il important à cet égard?

Liselotte De Ridder: “Honnêtement: pas vraiment. Le nettoyage compte pour 99% et la décontamination pour seulement 1%. Celui qui nettoie bien pourra généralement éliminer la majorité des germes. On ne peut pas conclure que le nettoyage est mauvais parce qu'une contamination apparaît. Et on ne peut pas dire que le problème est résolu si l'on nettoie davantage. C'est beaucoup plus complexe que ça."


Geert Hulpia: “Un point important ici est l'attention accordée au nettoyage de tous les moyens de transport, des caisses et des vestiaires. Le matériel des équipes d'entretien (éventuellement externes) ou du service technique ne doit pas être négligé. Souvent, ces gens-là ne sont pas pris en compte, à tort. Ils semblent accorder plus d'attention à la sécurité du travail qu'à la sécurité alimentaire alors que le risque dans l'industrie alimentaire est peut-être plus grand."


Karin Blacow: “Ici aussi, c'est la bonne mentalité et la culture d'entreprise qui l'emportent. Il arrive souvent qu'une personne ne respecte pas les règles d'hygiène et que ses collègues ne lui en fassent pas la remarque. Tout le monde - sans exception - doit s'en tenir aux règles et il faut aussi pouvoir en parler lorsqu'elles ne sont pas respectées."


Stefan Theuwis: “On peut conclure que tout se résume à un plan de gestion, qui dépasse les prises d'échantillon obligées par la loi et qui peut être utilisé pour divers germes. Celui qui possède la bonne mentalité possède ce genre de plan. Il faut un plan total intégré pour l'ensemble du secteur afin que les éleveurs et les abattoirs connaissent et prennent chacun leurs responsabilités et cessent de se rejeter la faute en cas de contrôle positif. En Allemagne, il a été démontré qu'une approche intégrée paie. Selon moi, c'est la seule approche efficace possible."

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