Eliminer la listeria des produits alimentaires transformes
dernieres avancees et nouvelles techniques d’analyse
Listeria monocytogenes est une bactérie présente depuis toujours dans notre alimentation. Les consommateurs, demandeurs de produits frais sans additifs, font augmenter le risque de contamination. Les plats préparés présentent également un risque accru pour la santé publique car ils ne sont pas pasteurisés avant d'être consommés. De plus, les récentes épidémies et les nouvelles techniques d'analyse montrent que même de faibles concentrations de listeria peuvent avoir de graves conséquences. L'élimination totale de la bactérie s'impose donc comme nouvel objectif, bien qu'irréalisable dans certains secteurs.
Bacterie Pathogene
Listeria monocytogenes est une bactérie gram-positive, en forme de bâtonnet, non sporiforme. Elle est naturellement présente dans l'eau, le sol et les intestins des animaux, et s'immisce donc aisément dans une usine de transformation alimentaire via les matières premières. De plus, la présence de la listeria – comme de nombreuses autres bactéries – est inextricablement liée au travail avec les aliments, et ne doit donc pas entraîner une situation de panique immédiate.
Listériose
Cependant, c'est aussi un agent pathogène qui peut provoquer la listériose chez l'homme. Cette intoxication alimentaire peut être mortelle dans certains cas. Les femmes enceintes, les nouveau-nés et les personnes âgées sont particulièrement exposés au risque de décès. C'est pourquoi des limites ont été fixées, qui font l’objet de contrôles et dont le respect doit pouvoir être prouvé avant que la denrée alimentaire ne poursuive sa route dans la chaîne alimentaire.
Critères microbiologique
Par exemple, en Europe, on applique le critère microbiologique de 100 UFC/g pour la plupart des aliments prêts à être consommés (règlement CE 2073/2005). Aux Etats-Unis, en revanche, la référence est l'absence totale de la bactérie dans 25 g. Les entreprises belges qui exportent vers les Etats-Unis doivent donc également se conformer à ces exigences plus strictes.
Elimination totale de la bactérie
La limite européenne a été définie à l'époque sur la base du constat que la plupart des gens ne tombent malades qu'en consommant un aliment contenant un nombre élevé de germes de L. monocytogenes. En 2018, l'EFSA a calculé que 92% des cas de listériose invasive chez l'homme étaient liés à des concentrations moyennes supérieures à 1.000 à 2.000 UFC/g au moment de la consommation.
Cependant, ce critère européen semble aujourd'hui perdre pied après que des foyers récemment identifiés semblent être le résultat d'aliments prêts à consommer dont la concentration est inférieure à 100 UFC/g. Cela concerne des consommateurs très affaiblis, mais les conséquences sont ce qu'elles sont. Ce critère ne garantit donc pas qu'un produit est sûr. Les légumes surgelés décongelés mais non chauffés, auxquels on n'applique pas de critère, ont également conduit récemment à la listériose.
Dans la pratique, on s'efforce donc de plus en plus de garantir l'absence de la listeria dans les aliments transformés, même chez les fabricants qui n'exportent pas vers les Etats-Unis.
Risques pour les entreprises
Quelles en sont les motivations? Les entreprises de transformation alimentaire ont clairement une grande responsabilité sociale en matière de sécurité alimentaire. En outre, elles ont bien conscience des dommages causés à leur réputation après un éventuel rappel, ce qui peut entraîner des pertes économiques importantes. En effet, les épidémies récentes montrent que les publications dans la presse générale peuvent entraîner de graves krachs boursiers, voire des fermetures (temporaires).
faisabilite
Température
Cependant, l'absence totale de listeria ne semble pas possible partout. Une caractéristique importante de la bactérie est qu'elle peut se développer à la température du réfrigérateur, contrairement à de nombreuses autres bactéries. De plus, elle se déplace facilement sur les équipements au cours des différentes étapes du processus et ne subit que peu de concurrence de la part des autres micro-organismes de la zone de production réfrigérée pour survivre et se développer. La pasteurisation tue effectivement les bactéries, mais bien sûr, ce n'est pas applicable à tous les procédés ou à tous les produits. La bactérie se trouve donc principalement sur les produits frais et non cuits.
Biofilm
En outre, la bactérie peut former un biofilm, ce qui lui permet de rester dans une usine pendant des mois ou des années pour infecter les aliments. Cela peut même se produire dans des environnements a priori pourtant bien nettoyés.
Les 'foyers cachés de contamination' typiques sont les installations de refroidissement, les évaporateurs, les systèmes de ventilation ou les canalisations. Les machines à découper peuvent également être à l'origine d'une recontamination.
Mesures de gestion
Le principal défi n'est donc pas l'extermination proprement dite (voir ci-dessous), mais la détection et la compréhension de la bactérie. A cette fin, chaque entreprise alimentaire doit observer une série de mesures de gestion préventives et correctives conformément aux normes HACCP et au guide sectoriel spécifique, afin de réduire le risque de contamination des denrées alimentaires. Toute personne qui constate une concentration trop élevée lors d'un contrôle a l'obligation d'en informer l'AFSCA.
Contrôle initial
Tout commence par le contrôle des ingrédients, afin d'éviter la contamination croisée par les marchandises entrantes. Les fournisseurs doivent se conformer aux normes BRC, IFS ou FSSC applicables. En tant qu'entreprise alimentaire, il est recommandé de prélever les échantillons nécessaires soi-même: ‘mesurer, c'est savoir’.
Zonage
Au niveau de la production, il faut tout d'abord assurer un flux de marchandises, de matériaux et de personnel adapté. Une séparation stricte est nécessaire entre les zones ‘sales’ et ‘propres’ de l'usine, ou entre les produits bruts et finis. Lors du nettoyage, il faut toujours travailler dans le sens de ‘haute vigilance’ à ‘faible vigilance’, afin d'éviter un éventuel glissement de la zone des matières premières vers la zone des produits finis. Les matériaux de travail utilisés dans différents endroits sont souvent une source de contamination croisée. Les flux d'air aussi doivent être pris en compte.
NETTOYAGE ET Désinfection
En plus de ces mesures préalables, il y a également des mesures de post-production à prendre. Compte tenu des principes de prudence dans les zones sensibles, un nettoyage et une désinfection moyens suffisent généralement. Pour autant qu'ils soient effectués de manière appropriée, conformément au protocole prévu. Le nettoyage prime d'ailleurs sur la désinfection. Il peut être effectué à sec ou à l'eau, chaque méthode ayant ses avantages et ses inconvénients. Diverses techniques de nettoyage et de désinfection peuvent se compléter mutuellement et pour un résultat optimal, il peut être conseillé d'alterner. Tous les désinfectants courants tuent les bactéries, si la concentration et le temps de travail requis sont respectés. Bien sûr, c'est aussi une condition pour qu'ils atteignent les endroits-clés.
Conception hygiénique
Par conséquent, les machines doivent être conçues de manière à être faciles à nettoyer et à désinfecter. Sur les sites de production les plus anciens, en particulier, les équipements ne sont souvent pas adaptés aux exigences EHEDG et la saleté peut s'accumuler dans des endroits difficiles d'accès. C'est le cas des angles par exemple, ou les bactéries prolifèrent.
De plus, les plafonds hauts ou autres endroits de plus de 2 m sont souvent difficiles d'accès pour l'équipe de nettoyage et sont donc parfois négligés dans la routine (quotidienne). La désinfection spatiale par brumisation peut être une solution à ce problème. Le nuage de pulvérisation atteint également les espaces entre les plinthes et les carreaux pour un nettoyage en profondeur.
Echantillonnage
Après le nettoyage et la désinfection, le matériel professionnel doit être contrôlé et validé au moyen des analyses par écouvillonnage nécessaires. Les produits semi-finis et finis doivent également faire l'objet d'une analyse microbiologique au moyen de différents échantillons.
Comportement des consommateurs
Enfin, les exigences des consommateurs d'aujourd'hui – des produits frais, moins d'additifs/de conservateurs ou alors naturels - favorisent le potentiel de contamination. En effet, l'utilisation de sel ou d'acide réduit le risque d'une épidémie. Modifier la recette peut donc aussi offrir une solution, même si cela va à l'encontre des tendances de consommation actuelles.
Les plats préparés sont synonymes d'un certains confort; ils offrent pourtant un contexte idéal aux cas de contamination croisée, en réunissant différentes matières premières provenant de différents fournisseurs. Surtout, ces denrées alimentaires ne sont par définition pas traitées avant d'être consommées. Un défaut ou une décongélation ou un chauffage inadéquat par le consommateur peuvent permettre le développement de la listériose. C'est donc ici une question d'information.
Nouvelles techniques d’analyse
Séquençage du génome entier
Le fait que le critère européen soit aujourd'hui remis en question est indirectement dû au développement d'une nouvelle technique d'analyse moléculaire. Grâce au séquençage du génome entier (Whole Genome Sequencing), on peut plus facilement remonter aux producteurs responsable de la contamination. Cela implique le séquençage du brin d'ADN de la bactérie et la comparaison de la souche avec les informations dans les bases de données internationales. De cette manière, la source d'une infection peut être retracée dans le monde entier et de manière rétroactive.
Cela a également permis de démontrer que les contaminations persistantes, en particulier, peuvent être à l'origine d'une épidémie. Ces contaminations s'avèrent également difficiles à contrôler. Il faut donc, en premier lieu, essayer d'éliminer ces contaminations persistantes. Le nettoyage et la désinfection jouent un rôle important à cet égard.
La technique du WGS est malheureusement coûteuse et peut prendre jusqu'à plusieurs mois. En outre, les entreprises alimentaires rechignent à utiliser cette technique par crainte de devoir partager leurs données à l'échelle internationale.
RAPD
L'institut flamand ILVO a donc développé une méthode alternative chez nous, par laquelle une ‘empreinte’ des souches de Listeria monocytogenes est générée sans séquençage de l'ADN. Cette technique alternative est la RAPD (acronyme anglais d'amplification aléatoire d'ADN polymorphe, n.d.l.r.), à la fois plus rapide et moins chère que le WGS. Les résultats sont moins reproductibles et moins discriminatoires. Ils ne peuvent donc utilisé que dans le cadre de comparaisons au sein de l'entreprise; les comparaisons internationales ne sont pas possibles.
Néanmoins, il est possible de distinguer les souches persistantes des transitoires, sans que les données des souches ne doivent aboutir dans des bases de données internationales. L'entreprise en question peut toutefois conserver les données historiques en interne. Tout porte à croire qu'il s'agit là d'une bonne base pour une solution sur mesure dans la lutte contre les infections persistantes à la listeria.
PhAGEs
L'utilisation préventive des phages, comme alternative complémentaire aux désinfectants correctifs, est assez récente également – du moins en Occident. Ce sont des virus, qui agissent comme des ennemis naturels des bactéries. En Europe de l'Est, ils sont utilisés depuis un moment, notamment en médecine.
Mais on reste très prudent ici quant à leur application, entre autres par crainte du risque de mutations. Il faudra donc attendre un cadre juridique qui autorise l'utilisation des phages dans notre industrie alimentaire.
Article réalisé en collaboration avec Christeyns, Medtradex et l’ILVO
